Le statut « US persons »: des contraintes pour vos finances personnelles

Par Greg | March 12, 2019

Lorsqu’on envisage un déménagement aux USA, notamment pour les personnes qui comme moi, ont la chance de pouvoir partir avec une carte verte en poche, il faut bien avoir conscience que le statut de « US person » pourra avoir des conséquences parfois inattendues sur vos finances personnelles. Mieux vaut donc les anticiper et effectuer quelques actions avant un départ pour les USA pour mettre d’équerre toutes vos finances personnelles. Sinon, vous risquez d’avoir quelques déconvenues…

Le Statut “US persons” c’est quoi ?

Le statut « US persons for tax purposes » c’est à dire à des fins fiscales (que l’on réduira à « US persons » dans cet article ), découle directement de la mise en œuvre du FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act). Le FATCA est une disposition législative fédérale intégrée dans le code fiscal américain et entrée en vigueur en 2014. Si à l’origine le FATCA a été adopté pour lutter contre l’évasion fiscale des contribuables américains détenant des actifs financiers en dehors des États-Unis, son impact a été largement plus important.

La spécificité de la fiscalité américaine

Si dans la plupart des législations fiscales les citoyens ne sont imposés que dans le pays du lieu de leur résidence (c’est le cas de la France par exemple), il en va tout autrement pour les citoyens américains.

Quel que soit l’endroit du monde où ils vivent, les citoyens américains doivent déclarer chaque année leurs revenus à l’IRS (Internal Revenue Service, le fisc américain) et sont susceptibles d’être doublement imposés, si l’impôt payé dans leur pays de résidence s’avère être plus faible que l’impôt qu’il aurait payé s’il avait été résident américain (il faut tout de même dépasser un certain seuil de revenu pour que ces dispositions s’appliquent). Dans ce cas, le citoyen américain se voit dans l’obligation de payer la différence à l’IRS.

Or, par le passé pour éviter cette double imposition, certains citoyens américains vivant à l’étranger ou détenant des actifs financiers en dehors des États-Unis omettaient de déclarer à l’IRS les sommes perçues à l’étranger.

Pour remédier à cette situation, les Etats-Unis ont donc adopté le fameux FATCA qui oblige les banques des pays ayant conclus un accord avec les Etats-Unis à communiquer au fisc américain tous les comptes détenus par des « US persons ».

La particularité de cette loi FATCA est que cette notion de « US persons » n’est plus restreinte à la citoyenneté américaine, mais couvrent désormais les personnes suivantes :

  • les résidents aux États-Unis ;
  • les citoyens américains résidents à l’étranger ;
  • les titulaires d’une carte de résident permanent aux États-Unis (carte verte), leurs conjoints et enfants ;
  • toutes personnes, indépendamment de leur résidence ou nationalité, qui ont des biens substantiels aux États-Unis.

Le FATCA concerne donc d’une part, les citoyens américains vivant en France, d’autre part, les citoyens français vivant aux Etats-Unis, mais également les citoyens français qui sont nés aux Etats-Unis et qui ont quitté le pays très jeune (sur le sujet des “américain accidentel” voir cet article du journal Les Echos). Et ce statut peut-être très lourd de conséquence comme nous le verrons par la suite.

Les critères FATCA

Afin de communiquer aux autorités américaines tous les comptes détenus par des « US persons », les banques françaises utilisent les mêmes critères que ceux utilisés par le fisc américain, appelés « indices » ou « signes » d’américanité et qui sont notamment:

  • la nationalité (titulaires de passeports américains ou de cartes vertes);
  • le lieu de naissance;
  • la résidence (adresse ou boîte postale aux Etats-Unis);
  • le fait d’avoir un numéro de téléphone américain;
  • d’avoir passé des ordres de virement permanents pour transférer des montants d’un compte étranger (c’est-à-dire non américain) sur un compte ouvert aux États-Unis ;
  • d’avoir établi des procurations établies au profit d’un mandataire américain ou résident aux Etats-Unis;
  • ou encore d’avoir résidé aux Etats-Unis pendant 31 jours pendant l’année en cours, plus 183 jours au cours des trois dernières années;

Attention !
⚠ Le statut « US persons » concerne également toute personne non américaine qui partage un compte joint avec une personne américaine ou qui a signé une procuration au profit d’une personne américaine, même si celle-ci vie à l’étranger, l’autorisant à effectuer des actes de gestion sur son compte. Par exemple, si vous êtes mariés avec un américain, que vous vivez en France et que vous disposez d’un compte-joint dans une banque française, vous êtes concernés par cette législation FATCA.

⚠ Le statut s’applique également à toute entreprise ou organisation à but non lucratif qui permet à une personne américaine d’avoir le pouvoir de signature sur un compte financier.


Le statut « US persons » : quelles conséquences pour vos finances personnelles ?

La France s’étant engagée à faire appliquer le dispositif FATCA auprès de ses banques, ces dernières ont pour obligation de déclarer à l’IRS, les comptes des clients présentant des « indices d’américanité » et donc susceptibles d’être des « US persons ».

Si vous êtes détectés par votre banque comme étant susceptible d’être « US person », celle-ci vous demandera de remplir un document le plus souvent dénommé « test de présence substantielle » pour savoir quel formulaire entre le W8 ou le W9, vous devez fournir.

  • Le W8: ce formulaire permet de déclarer que vous êtes étranger, c’est-à-dire que vous ne détenez pas la citoyenneté américaine, ni la carte verte, ou que vous ne résidez pas sur le territoire américain.
  • Le W9: ce formulaire permet de déclarer que vous êtes un résident fiscal américain ou un citoyen américain et que vous êtes susceptible de recevoir des revenus ou de payer des impôts aux Etats Unis.

Mais c’est malheureusement après cette étape que les choses se corsent. En effet, si votre statut de « US person » est confirmé, à cause des contraintes du FATCA pesant sur les banques françaises (voir le paragraphe suivant), trois situations vont s’offrir à vous :

  • situation n°1, la meilleure situation: votre banque ne trouve rien à redire à votre statut. C’est la bonne nouvelle du jour!! Vous pourrez donc continuer à utiliser les services de votre banque comme si vous étiez en France ;

  • situation n°2, la situation bancale: votre banque vous empêche de consulter ou de gérer vos comptes, tant que vous êtes « US person ». Si vous n’avez pas besoin de cet argent, parce que par exemple vous prévoyez de revenir en France dans un avenir proche, vous pourrez peut-être vous accommoder de cette situation. Par contre, si vous souhaitez avoir accès à votre argent, vous serez alors confronté aux mêmes difficultés que la situation n°3. Je vis actuellement cette situation avec mon assurance-vie domiciliée chez une banque en ligne. Comme je n’ai pas besoin de cet argent, je le laisse dormir tranquillement, mais je ne peux ni effectuer des arbitrages, ni verser des sommes dessus.

  • situation n°3, la situation difficile: votre banque vous impose le transfert et/ou la clôture du compte. Vous devrez donc trouver un autre établissement financier qui respecte les formalités FATCA et transférer vos comptes, assurance-vie (etc…). En plus d’être pénible (recherches, perte de temps pour trouver un autre établissement, …), ces transferts peuvent coûter assez cher et prendre du temps en fonction des produits bancaires concernés. ’ai également vécu cette situation avec mon compte-titres détenu dans une grande enseigne ayant pignon sur rue. Ce transfert m’a coûté aux alentours de 200€ et a pris 2 mois.


Le statut « US persons » : quelles conséquences pour votre banque française ?

Les banques ayant l’obligation de déclarer à l’IRS les comptes des clients « US persons », elles doivent donc analyser les pièces ou documents fournis par ces clients, de la pièce d’identité aux formulaires spécifiques. Or, cette analyse impose un coût pour les banques qui peut être aggravé lorsqu’elle concerne des clients non sensibilisés à cette réglementation, qui il faut bien l’avouer est une véritable usine à gaz, ou aux clients « récalcitrants ». En effet, le coût des relances (mobilisation des équipes commerciales), voire le coût des litiges potentiels face à la difficulté de récupérer les documents et les informations attendues, peut être particulièrement important.

Face à ces difficultés, certaines banques ont préféré ne plus avoir de clients « US persons » (d’où les conséquences décrites plus haut). Cependant, les banques restent tenues de mettre en place un dispositif de vérification des « indices d’américanité », car si elles ne le font pas, elles s’exposent, ainsi que leurs « clients récalcitrant », à des pénalités pouvant aller jusqu’à la clôture forcée du compte bancaire et/ou le prélèvement d’un impôt sur 30 % de la valeur d’un investissement aux États-Unis.

Attention !
⚠ Au-delà des dispositions FATCA, si vous devenez un résident permanent des USA, n’oubliez pas de clôturer certains comptes qui ne peuvent être ouvert que par des résidents fiscaux français (le plus souvent ceux qui sont liés à un avantage fiscal) comme par exemple :

A retenir

Les conséquences d’un déménagement aux USA ne doivent pas être prises à la légère sur le plan des finances personnelles. Suite à la législation FATCA, le pouvoir que détient l’IRS (le fisc américain) sur les banques françaises, imposent aux clients « US persons » de prendre les dispositions suivantes:

  • Trois mois minimum avant votre départ, prévenez votre banque (ou vos banques, notamment pour les clients disposant de comptes dans une banque en ligne) de votre prochain déménagement aux USA et vérifiez avec elle si elle accepte les clients « US persons ». Si ce n’est pas le cas, voyez avec elle les solutions possibles;
  • Si votre banque n’accepte pas de client « US persons » et ne vous propose pas de solution, clôturez et/ou transférez certains de vos produits financiers dans une autre banque et négociez avec cette dernière les coûts de ce transfert pour les réduire au maximum;
  • Transmettez le formulaire W8 ou W9 à votre banque dès qu’elle en fait la demande;
  • Enfin, lors de votre déclaration sur le revenu aux USA, n’oubliez pas de déclarer vos comptes français, même s’ils sont inactifs depuis votre départ.


Références:
  • La législation FATCA sur le site de l’IRS (en anglais)
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